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MÉDITATION ET PRÉSENCE EN COACHING

J’interviens depuis quelques mois dans le cadre du programme « Executive Coaching » HEC Paris. J’explore avec mes compagnons de cordée le champ de « méditation et présence en coaching ». J’ai décidé de fêter ma deuxième intervention en posant ces quelques lignes…

Définir la présence

La présence est à la fois ce que l’on exige de nous le plus et ce qui, fatalement, nous manque le plus… Ce n’est certainement pas un paradoxe puisque l’un est la conséquence de l’autre. C’est parce qu’une chose est très demandée, qu’elle finit par se raréfier. La loi de l’offre et de la demande en quelque sorte…

En latin, être présent c’est aller de l’avant (latin « praesse », « être en avant »). Ce serait donc aller à la rencontre de soi, de son environnement et des autres. Selon le Petit Robert la présence désigne « le fait d’être dans le lieu dont on parle ». Or Le premier lieu d’où l’on parle c’est soi-même. Notre corps est partie prenante dans la présence, en tant que représentant et acteur de notre présence.

Ma présence peut-être est ressentie par l’autre (« sentir une présence »). Nous pouvons aussi « être en présence », c’est-à-dire à proximité.

La différence entre « pleine conscience » et « présence » est liée, de mon point de vue, à une question d’orientation. La pleine conscience est par nature désintéressée. Elle n’est pas liée à un objectif ou à un objet. Au contraire, la « présence » est sous-tendue par une orientation vers les autres/ l’autre/ l’environnement.

Les indicateurs de la présence reposent sur nos sens (visuel, auditif, kinesthésique, olfactif et auditif), et la capacité que nous développons, ou pas, de reconnaître les signaux captés par ces sens.

Par exemple, respirer n’est pas suffisant, encore faut-il être conscient que l’on respire. Quels enseignements tirons-nous de notre respiration ? Notre souffle est-il saccadé ? Sommes-nous essoufflés ? Tout laisse à penser que nous sommes contrariés, énervés. Notre champ de vision et de pensée se rétrécit. Il y-a tout à parier que nous passerons à côté de beaucoup de choses. Incompréhension et malentendus ne sont pas loin.

Au contraire, notre respiration est fluide, douce, lente, calme et régulière… Notre météo interne est au beau fixe, nous sommes en pleine possession de nos moyens. Nous sommes aptes à capter tous les signaux faibles qui circulent autour de nous.

Être présent, c’est vérifier l’alignement entre :

  • Les différentes parties de notre corps, réceptacles de nos sensations et de nos émotions : peau, mains, nez (odeurs), muscles (tremblements)…
  • Notre cerveau cognitif (perception, attention, mémoire, motricité, langage, raisonnement) ;
  • Notre cerveau émotionnel (colère, joie, tristesse, dégoût, peur…).

Être présent c’est prendre le temps de « digérer » les pensées, les sensations et ressentis. Tous ces « entrants » ont des saveurs, des odeurs, des couleurs et des consistances variées. Très prononcés ou au contraire très subtiles. Cultiver la présence permet de détecter ces variations et de les intégrer pour nourrir la réflexion.

La présence est donc l’assise nécessaire qui va nous permettre d’affiner notre capacité à distinguer les éléments tangibles et intangibles qui nous entourent, émotions, pensées, sensations… En cultivant cette assise nous sommes comme un sommelier qui développe ses palettes d’arômes et de saveurs pour distinguer les vins et les qualifier.

Laisser la place aux émotions

Être présent, c’est renforcer notre capacité à accueillir lucidement nos émotions et celles des autres. Nous mettons souvent en place des stratégies d’évitement de nos émotions (racket, dissociation, déconnexion, débordement). Dans le débordement, ce sont mes émotions qui me pilotent. Avec la déconnexion, je ne ressens plus mes émotions. Le racket me conduit à mettre une émotion à la place d’une autre. Enfin la dissociation me conduit à ne plus afficher mes émotions.

Et bien entendu, si nous avons des difficultés à nous accorder avec nos émotions, nous en aurons aussi à nous accorder avec les émotions des autres.

En devenant conscient de ses émotions (les ressentir, les évaluer et les nommer), nous les remettons à leur juste place et libérons de l’espace pour une meilleure utilisation de nos sens.

En s’accrochant moins aux bruits, ressentis, sensations parasites nous éliminons des pensées qui occupent habituellement de l’espace dans notre cerveau. La réflexion peut alors être utilisée de manière plus efficace sur ce que notre état de présence nous permet de capter.

L’esprit est comme un verre d’eau. Plus je choisis de mettre de cailloux dans un verre d’eau, plus le niveau de liquide va monter. Arrive l’instant où le liquide peut déborder. Notre esprit est ce verre d’eau. Plus j’ajoute d’émotions, de pensées, plus le volume de ce que contient mon esprit va augmenter. Les pensées et sensations importantes sont noyées dans la masse. Je les discerne de moins en moins, tout en courant le risque de me faire déborder… Je deviens moins attentif, moins présent, et je cours à moyen terme le risque d’une surcharge mentale.

Notre esprit devient plus aiguisé, plus prompt à se saisir d’éléments et sensations pertinents aidant à la compréhension et à la formulation de ce qui est amené par le coaché.

En tant que coach, être présent à soi-même

Au-delà de ses outils et techniques, le principal outil du coach est lui-même. Présent à la personne accompagnée, il écoute, ressent, capte, recoupe, regarde, respire etc… Il ne dispose que de son corps, de sa pensée et de son ressenti. Tout est résumé, lorsque Michel Giffard nous parle de coaching à « main nue » …

Être présent à soi-même, c’est donc être ancré dans son corps et son esprit. Nos pensées ont souvent une fâcheuse tendance à nous emmener dans le passé, qui n’existe plus, ou dans le futur qui n’existe pas encore.

Le coach doit donc se saisir de lui-même pour ne demeurer que dans une seule dimension temporelle, celle du présent.

Nos corp, cœur et esprit sont alignés. La respiration devient notre fil à plomb. Elle nous permet de mesurer la qualité de notre état interne, pour être présent et ressentir la présence de la personne accompagnée.

Plus que par ses outils et ses techniques, le coach se distingue par sa capacité à développer, mobiliser et utiliser ses différents sens. Lorsque l’on sait que, pour les bien-voyants, 80% des informations traitées par le cerveau empruntent le canal visuel cela laisse imaginer le potentiel inexploité des autres sens.

L’entraînement à la présence a donc tout intérêt à porter sur le développement de canaux tels que l’ouïe, l’odorat, toutes les dimensions kinesthésiques. Nous serons ainsi alertés par nos frissons, nos fourmillements, les sensations de chaud, de froid, les tremblements, le ressenti de l’autre etc…

Dans un environnement économique où les coachs sont de plus en plus nombreux, où les formations, accréditations, certification font florès, développer sa qualité de présence devient un élément différenciant majeur.