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INTELLIGENCE ÉMOTIONNELLE : ARRÊTONS D’EN PARLER !

Depuis quelques mois, les sujets de l’intelligence émotionnelle et des émotions sont devenus des marronniers dans les domaines du management, du coaching, du développement personnel en général. En parcourant LinkedIn on ne compte plus les posts, articles et vidéos sur ces sujets. D’ailleurs, vous pouvez ajouter le texte que vous êtes en train de parcourir à votre liste !

A tout cela s’ajoute une cohorte de hashtags telles que #empathie, #gratitude, #compassion, #intuition… et bien d’autres.

Bref, on vous somme de gérer vos émotions et celles des autres. La promesse est alléchante. On vous propose de devenir plus intelligent dans un monde pacifié.

Et le pire dans tout ça ? C’est que tout est vrai ! Nous pouvons acquérir une conscience plus élargie de nous-même, de notre rapport aux autres, de nos liens à l’environnement en faisant connaissance avec nos émotions et celles des autres. Et tout ceci pour des relations et une écologie plus équilibrées et apaisées.

Alors, quel est le problème me direz-vous ?

Intellectualiser l’IE à outrance c’est la vider de son sens

Les émotions sont d’abord le langage du corps et de notre être le plus archaïque. Elles ont été conçues pour nous permettre de survivre à une époque où nous étions au milieu de la chaîne alimentaire, voire parfois en bas. La colère et la peur étaient certainement les émotions dominantes de nos ancêtres. La tristesse, la perte et le deuil suivaient sans doute.

Les émotions sont donc d’abord viscérales. Si elles sont en lien avec le cortex, siège de la pensée construite, c’est pour mieux jouer leur rôle d’alerte. Mais elles ne sont pas du domaine de la pensée. On peut bien entendu les définir mais pas les maitriser. Je peux parler de la colère et condamner ses débordements… et me mettre moi-même en colère dans la minute qui suit.

Et si nous arrivons à définir nos propres émotions, à les connaître et à mieux les gérer, ce n’est absolument pas une garantie pour appréhender les émotions… de nos voisins. Le vieil adage de la PNL « la carte n’est pas le territoire » a toute sa valeur ici.

L’IE et les émotions ne peuvent donc se résumer à une collection de définitions, à des outils managériaux ou de développement personnel. Les comprendre ce n’est pas forcément pouvoir les appliquer. On ne peut pas être dans l’empathie, la gratitude ou la compassion sur commande. C’est un long travail dans le temps qui passe en grande partie par notre rapport au corps.

Emotions, lorsque le corps se met à danser et à penser

Pour connaître ses émotions, et par là développer son intelligence émotionnelle, c’est d’abord aller à la rencontre de son corps et comprendre une partie de son fonctionnement. Savoir que notre visage compte 50 muscles, activés en quelques millièmes de secondes, qui permettent 5 000 combinaisons mimiques, qui elles-mêmes seront captées, de manière quasi instantanée, par les neurones miroirs de nos vis-à-vis, à notre insu, résume à lui seul l’enjeu. La clé des émotions, c’est notre corps.

Le bon sens populaire l’a bien compris. Il a forgé des dictons qui ont intégré cette réalité. « En avoir plein le dos », « se faire de la bile », « être mort de peur », « avoir les reins solides », « avoir la trouille au ventre », « se ronger les sangs », résument tous nos enjeux corporels et physiologiques.

Notre corps est le champ d’expérimentation d’un alchimiste dont la raison est souvent égarée. A partir de l’évaluation cognitive d’une situation, ce petit docteur Frankenstein va libérer toute une série de neurotransmetteurs (sérotonine, dopamine, acétylcholine), d’hormones (adrénaline, cortisol, testostérone, ocytocine), certains comme la noradrénaline ont les deux casquettes à la fois, neurotransmetteur et hormone. Son objectif est de faire réagir sa créature : notre système nerveux autonome. En fonction du besoin, il privilégiera une des deux composantes de ce système :  la partie sympathique (réponse d’action) ou la partie parasympathique (réponse de calme).

La voie de l’intelligence émotionnelle

Le mot japonais « Dô » signifie la voie. Il est étroitement lié à la pratique, au mouvement et à l’expérience.

Autant de qualificatifs que l’on pourrait associer à « émotion ». De par son étymologie, ce mot porte en lui cette idée de déplacement. Il est l’enfant du latin « motio », décliné en « emovere » qui signifie justement « mouvement ». Dans la réalité, l’émotion est faite pour nous faire bouger, de gré ou de force (le plus souvent de force…). Elle ne se pense pas, elle se vit. Elle se pratique avant de se décliner par la pensée. La colère, la peur, la joie, le dégoût ou la tristesse nous habitent sans même nous avoir consulté au préalable.

Enfin, les émotions développent leur propre base de données au sein de l’hippocampe. Au fur et à mesure de notre vie, les expériences émotionnelles s’ajoutent les unes aux autres. Ainsi, plus tard, nos prochaines émotions seront calibrées à partir de cette base expérientielle.

Comme pour toutes les voies martiales, renforcer son intelligence émotionnelle repose sur la compréhension (le fonctionnement de nos mécanismes émotionnels), la répétition (nouveaux comportements, exercices pour faire évoluer nos conditionnements) et l’engagement total du corps et de l’esprit. C’est donc un travail répété avec discipline. Il s’illustre dans la méditation, le yoga, la cohérence cardiaque et toutes les pratiques qui nous amènent à prendre conscience de nos équilibres internes et externes.

Un moine monte lentement un chemin de montagne. Tout d’un coup, il est bousculé par un cheval affolé, dont le cavalier a perdu le contrôle. Le moine interpelle le cavalier. Mais où vas-tu ? Le cavalier répond : « je ne sais pas ! Demande à mon cheval ! ».

Alors, pour ne pas être mené par nos peurs, vos colères, vos frustrations… Il faut peut-être que nous apprenions à murmurer à l’oreille de notre cheval.